L’Afrique, entre les racines de la violence et la construction d’un idéal de paix ? 

C’était le 26 décembre 2021. Desmond Tutu, un symbole de la lutte contre l’Apartheid s’est éteint à l’âge de 90 ans. Il laisse derrière lui les souvenirs de son combat contre le système politique ségrégationniste qui a sévit en Afrique du Sud. Mais également des individus dans le monde qui ont été marqué par ses messages de paix et de son engagement politique. Ce militantisme permet à Monseigneur Desmond Tutu de rayonner à l’échelle internationale puis de recevoir le prix Nobel de la paix en 1984. Il s’agit d’une haute distinction qui gratifie les actions ayant favorisé « les progrès pour la paix » dans la société. Les actions de l’archevêque ont profondément influencé la trajectoire de vie des Noires en Afrique du Sud. Ces sermons et ses prédications ; chargés de messages de paix et contre les formes de violences, ont contribué à la transformation des rapports entre les afrikaners et les Noirs en Afrique du Sud.  

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Desmond Tutu le 10 juillet 1985 lors des funérailles de quatre militants anti-apartheid dans le township de Duduza, près de Johannesburg

Cependant, la fin de l’Apartheid n’a pas complètement entrainé une modification au niveau de tous les pans de la société. Il y a encore aujourd’hui des tensions créées par différents facteurs. Bien que le nombre d’émeute soit notamment plus faible, il n’est pas possible de dire que la paix existe car les inégalités de revenus provoquent des conséquences multiples. Autrement dit, le concept de paix, tel que définit semble difficilement applicable au cas de l’Afrique du Sud et plus généralement dans certaines zones du continent. Ainsi, on peut se demander si la paix constitue un but qui nécessite un processus de construction ou tout simplement un modèle vers lequel les acteurs souhaitent tendre. 

Que signifie la paix ? Définir le concept permet de comprendre la complexité de celui-ci. En effet, la paix est une idée qui désigne une situation où une ou plusieurs entités évoluent dans un cadre de tranquillité. Ce cadre est caractérisé par l’absence des formes de violences symboliques ou physiques, de conflits ou de guerre. Pour autant, il est nécessaire de modifier cette première définition en précisant que cette absence, dans la réalité, peut être partielle. En outre, la paix peut correspondre également à un état où les conflits sont réglés systématiquement et pacifiquement par différent outils. Parmi ces derniers, il y a la Justice.  

Mais la justice n’est pas le seul moyen qui peut être utilisé. Si le concept est souvent employé dans différents champs comme le politique pour désigner un objectif, il est néanmoins accompagné par son opposé et ses dérives : la violence et les conflits. En particulier sur le continent où le nombre de conflits est important.  Pour l’ONU ; dont le maintien de la paix est une mission essentielle, l’Afrique représente l’un des premiers théâtres des opérations militaires et civiles.  

L’escalade de violences au sein des territoires conduit donc à l’intervention des pays étrangers afin d’endiguer les émeutes. Certes, il n’est pas possible d’aborder chaque conflit sans effectuer une correcte contextualisation du déroulement des faits. Pour autant, on peut dresser un tableau des similarités de quelques pays en parcourant les causes et les conséquences pour savoir en quoi la paix peut être perçu comme un idéal.  

D’une part, le conflit est souvent causé dans des zones où il existe un dysfonctionnement économique. En effet, le taux de chômage en Afrique du Sud est estimé à 34.90% en septembre 2021. Ce qui est très élevé. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce chiffre. Par exemple, le manque d’accès aux emplois est dû à une saturation de l’offre de travail. Or, cette demande restreinte de main-d’œuvre entraine une baisse voire une disparition des revenus d’une partie de la population. Ainsi, l’inégale répartition des richesses provoque le développement d’une série d’inégalité sociale.  Par exemple, cet extrait d’article du magazine de l’expat permet de prendre en compte la situation sanitaire en Afrique du Sud 

« Depuis la fin de l’apartheid en 1994, le système de santé a été rendu plus accessible avec notamment la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 6 ans, et l’ouverture de nouveaux centres médicaux, entre autres. Néanmoins, les différences sociales étant encore fortement prononcées au 21e siècle, on constate que les établissements publics sont en manque de ressources humaines, tandis que les établissements privés, payants et fréquentés par les classes sociales les plus aisées, sont beaucoup mieux équipés et disposent de plus d’effectifs. Par ailleurs, les hôpitaux, quels qu’ils soient, sont plus nombreux dans les villes et les zones touristiques. »  

Un second point est important dans ce passage. Effectivement, la présence d’inégalités est un facteur essentiel. Plusieurs conflits, dans d’autres pays en Afrique s’alimentent ou se construisent en raison de des tensions entre les groupes. Parfois, un groupe dénonce une situation d’injustice et exprime la volonté de créer un nouveau cadre par l’usage de la violence. Ces types de conflits sont d’abords de nature uniquement civile avant de mobiliser l’Etat voir la communauté internationale.  

Le cas de l’Ethiopie peut être utilisé. La rupture a été créé par des tensions politiques et sociales. Les crises politiques sont un autre moyen pouvant causer une instabilité. Depuis novembre 2020, le pays des Abyssins est le théâtre d’un conflit civil puis internationale. Le point de crise fut la décision, de la part du gouvernement, de reporter les élections législatives en raison de la pandémie. La crise prend une dimension internationale avec l’implication d’acteurs comme l’ONU.  

Le bilan humain et matériel n’est pas encore définie même si les organisations internationales signalent l’existence de crime contre l’humanité voir de génocide. La famine est utilisée comme arme de guerre par le gouvernement contre les habitants des territoires sous l’influence du TPLE. Celui-ci bloque l’aide humanitaire envoyé par les organisations et usent de tous les moyens, même de la violence de masse.  

Des soldats éthiopiens à l'entrainement au sud du Tigré, le 14 septembre 2021
Des soldats éthiopiens à l’entrainement au sud du Tigré, le 14 septembre 2021

En outre, le gouvernement fédéral d’Ethiopie est en guerre contre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLE) dans le nord du pays. Le groupe revendique sa domination sur une partie des territoires du nord et s’est récemment allié avec des neuf autres groupes rebelles. Il y a notamment des combattants de l’Armée de libération oromo (OLA). Il s’agit d’un conflit d’origine politique entre le nouveau party et gouvernement composé par le prix Nobel de la Paix 2019, Abyi Ahmed, et d’anciens membres de l’opposition.  

Plus généralement, le nombre de cause est multiple. Des raisons économiques, culturelles, sociales ou politiques peuvent être les moteurs derrière l’usage de la violence entre différents acteurs. La paix, telle que définie, n’est alors qu’une possibilité qui semble uniquement idéelle. C’et-à-dire un modèle vers lequel veulent ou peuvent tendre certaines sociétés. Car malgré l’existence d’action pour favoriser son développement ou encore assurer son maintien, des tensions complexes sont enracinés en Afrique. Et surtout, une paix véritable semble être un concept qui ne prend pas en compte la diversité des racines et la spécificité des territoires. 

Pour autant, la paix reste un objectif pour les sociétés et des solutions sont mises en place pour l’attendre. Si l’Afrique est une terre d’avenir, elle devra faire face aux origines de cette violence afin de permettre aux sociétés de se développer.  

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