Édito : Non à l’augmentation des frais universitaires pour les étudiants étrangers !

Dans sa « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », le Premier ministre Edouard Philippe vient d’annoncer une augmentation substantielle des frais d’inscription pour les étudiants étrangers hors-Union Européenne. Fini la licence à 170 euros, il faudra désormais débourser 16 fois plus pour un bac +3, et la bagatelle de 3.770 euros pour un master ou un doctorat.

Le but ? Officiellement : redorer le prestige d’une formation française supposément atrophiée par sa quasi-gratuité, en envoyant « un signal de qualité » avec des prix revus à la hausse. Mais la mesure répond à une logique plus profonde : une sélection des étudiants internationaux sur critères sociaux… en faveur des plus riches. Parce que l’effet mécanique immédiat de la mesure est clair : un renforcement de la reproduction sociale des étudiants internationaux. Sachant qu’il est déjà indispensable actuellement de prouver un certain niveau de ressources pour obtenir un visa étudiant en France, une telle augmentation des frais d’inscription découragera encore plus les moins fortunés, en leur infligeant un obstacle supplémentaire dans leur quête d’ascension sociale.

Mais qu’à cela ne tienne, Edouard Philippe annonce une extension de l’octroi de bourses pour les futurs étudiants en manque de moyens. S’il faut encore attendre les potentiels critères d’exemption de frais d’inscription, le développement des aides du ministère des affaires étrangères annoncée par le gouvernement n’est peut-être qu’un trompe l’œil. Car il s’agit en effet de programmes d’excellence qui viennent soutenir les meilleurs bacheliers et candidats aux masters et doctorats dans le seul but d’attirer les meilleurs éléments dans les établissements français. Si l’initiative peut être compréhensible, elle s’inscrit toujours dans cette volonté de faire fi des critères sociaux en avantageant, malheureusement comme souvent, les plus favorisés.

Néanmoins, un argument revient sur toutes les lèvres : les universités étant un service public, comment expliquer que des étrangers puissent en bénéficier au même titre que des français, dont les parents ont participé au financement par l’impôt. Pire, comment osent-ils se plaindre de cette augmentation, puisque l’Etat continuera d’absorber les deux-tiers des coûts. D’un point de vue parfaitement logique, l’argument est totalement recevable. Sauf que seuls les étudiants non-citoyens de l’Union européenne seront impactés par cette hausse. Et aux dernières nouvelles, leurs camarades espagnols, belges, ou encore grecs, n’ont pas plus cotisé qu’eux, du fait de l’absence d’impôt commun à toute l’UE. Si l’on peut expliquer cette différence de traitement par les accords universitaires et les volontés de coopération entre les pays, la mesure tend à créer une nouvelle catégorisation des « extracommunautaires », qui deviennent encore plus étrangers qu’avant.

Enfin, comment ne pas parler des revenus générés par ces étudiants étrangers. Dans une étude de novembre 2014, l’institut BVA estime, en moyenne, à 4,65 milliards d’euros leur l’apport économique, en ne coûtant que 3 milliards à l’Etat français. Oui, nous l’avez bien lu : les étudiants étrangers génèrent, chaque année, 1,65 milliards d’euros à l’économie française. Comment ? Tout simplement par leurs différentes consommations : loyers, alimentation, sorties diverses, qui représentent environ 11.000 euros de dépenses par an et par étudiants, hors frais d’inscription. S’ajoutent à cela les dépenses plus spécifiques à leur statut : billets d’avion pour retourner dans leur pays d’origine, parfois deux fois par an, et les dépenses de tourisme de leur famille qui vient leur rendre visite. La mesure ne peut donc pas être défendue avec des arguments budgétaires, où « les étrangers coûteraient trop cher » : la volonté du gouvernement est bien d’accentuer ce processus, en attirant des étudiants étrangers toujours plus favorisés, qui dépenseront toujours plus, au détriment des principes fondamentaux d’égalités de traitement et des chances.

Une fois de plus, le gouvernement s’attaque aux universités et à ses racines fondatrices, en espérant une nouvelle mobilisation syndicale et étudiante. Signe d’espoir, le Conseil d’administration de l’Université de Lille vient d’adopter une motion en opposition aux souhaits du gouvernement, et une manifestation pourrait avoir lieu dans les prochains jours.

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