
Si vous avez déjà eu la chance de vous promener dans les rues de Dakar (ou de n’importe quelle autre ville sénégalaise), vous n’avez pas pu passer à côté des traces du Mouridisme sans les voir. Mais peut-être ne saviez-vous pas à quoi elles font référence. Cette confrérie musulmane soufie a en effet pignon sur rue dans le pays : les inscriptions murales “Bamba partout” ou “Bamba merci” ; les images de Cheikh Ahmadou Bamba dessinées, collées ou encore disposées à taille humaine dans les rues et dans les maisons ; Les baye falls, ces hommes à dreadlocks, aux vêtements amples et chapelets autour du cou qui réclament de l’argent aux passants. Les bus décorés de “Bamba” colorés et des photos du Cheikh qui indiquent la ville de Touba sans y aller. Les serveurs de café ambulants qui vous proposent le fameux café Touba, aux saveurs très épicées, qui réveillent tout être humain en deux gorgées. Et si vous avez fait un tour à Touba, ville sainte abritant la plus grande mosquée d’Afrique de l’ouest, alors vous comprendrez peut-être mieux la ferveur dont il est question.

Cheikh Ahmadou Bamba est un érudit comme le diront ses nombreux disciples. Né vers 1850, à une époque où il y a peu de personnes converties à l’islam, l’animisme (toujours présent aujourd’hui) ayant le monopole des croyances spirituelles. Théologien, il écrit toute sa vie, des poèmes, le coran, des fatwas… qui sont aujourd’hui rassemblées dans la grande bibliothèque de Touba où viennent étudier des centaines de théologiens confirmés ou en devenir. Ses textes sont principalement des appels à la paix et à la bonne conduite. « On ne récolte que ce que l’on a semé. Si vous récoltez du bien, vous semez du bien. Si vous récoltez du mal, vous semez le mal » écrivait-il.

Sa popularité tient principalement dans la résistance qu’il a su montrer face aux forces coloniales. Devant une puissance étrangère armée voulant s’imposer, il a appris à la population que le seul maître en capacité de dicter leurs actions ne pouvait être que Dieu. Pacifique, mais jugé suspect à cause de ses appels à la désobéissance civile, il est arrêté par les forces coloniales. On essaie notamment de le faire taire en l’enfermant dans la cage d’un lion. Son calme, sa sagesse ou sa pureté l’ont sauvées des griffes du lion qui n’osa même pas bouger. Il est poussé à l’exil au Gabon où il restera près d’une dizaine d’années. Revenant en héros, les colons auront bien essayé de collaborer avec lui, sans succès. Envoyé une seconde fois en exil, cette fois en Mauritanie, sa popularité ne faiblit pas pour autant. Il fonde à son retour la ville de Touba, une des villes les plus peuplées du Sénégal aujourd’hui et qui abrite son mausolée.
Qualifiée de secte par certains, la confrérie mouride a une influence importante dans la vie politique sénégalaise. Il est en effet courant que les hommes politiques, à l’instar d’Abdoulaye Wade, président de 2000 à 2012, suivent les recommandations des califes de la confrérie. Le décès du septième calife de la confrérie, Serigne Sidy Mokhtar Mbacké, en janvier 2018, a d’ailleurs entraîné une période de deuil national.

Chaque 18 du mois Safar du calendrier musulman, qui correspond cette année au 26 octobre, les sénégalais mourides fêtent le grand Magal, « rendre hommage” en wolof, qui marque l’exil forcé de leur chef spirituel au Gabon. À cette occasion, entre 2 et 3 millions de fidèles font le déplacement jusqu’à la grande mosquée de Touba pour prier et remercier Cheikh Ahmadou Bamba. En 2018 les autoroutes étaient gratuites pour permettre le pèlerinage. C’est l’une des plus grandes fêtes religieuses musulmanes du monde et souvent, comme cela a été le cas en 2017, l’occasion de rappeler le caractère pacifique de l’islam qui est régulièrement négativement mis en lumière par l’actualité.
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